sábado, 1 de diciembre de 2012


Je ne sais plus dans quelle langue écrire. En fait non, ce n’est pas vrai, c’est en français que ça me vient d’écrire parce que ce n’est qu’en français que j’entends parler de théâtre. Ici, on n’en parle pas _ou si peu. Me gustó, no me gustó, muy buena, regular, la escenografía muy bonita, los actores buenos _o malos… y un largo etc de misma calaña. Yo sonrío, una sonrisa algo bobalicona  supongo alors que la langue me démange de demander mais qu’est-ce que tu as vu? Qu’est-ce que ça t’a fait? Que pensais-tu pendant le spectacle, que sentais-tu? Raconte…. Mais je me tais, bien sûr, à quoi bon?

Ce soir, sur France Culture, une interview de Bruno Castelluci qui dit: le théâtre, c’est une force.

Une force singulièrement émoussée ici. Comme un taureau dont les cornes ont été rabotées. Et encore rabotées.

L’autre jour, dans une émission de critique de théâtre qui a lieu une fois par semaine, d’abord, une radio qui consacre une heure par semaine à ne parler que de théâtre, des gens qui y vont, qui vont voir les spectacles et qui aiment à en parler, c’est déjà un évènement ! L’autre soir donc, ils débattaient de la énième mise en scène de Dom Juan de Molière à la Comédie Française. Ça discutait dur, avec passion. Je me disais qu’ici je n’ai entendu parler avec autant d’enthousiasme que de foot. Et pourtant, il n’est question au théâtre ni de gagner ni de perdre, ni de défendre des couleurs locales, nationales ou autres, ce n’est ni la victoire ni le drapeau qui enflamment les coeurs et les esprits. C’est quoi, alors?

J’aime le théâtre parce que c’est un art éphémère, qui n’est pas objectivable, on ne peut pas en faire un objet, ni d’exposition ni de consommation. Le théâtre, ça se vit. C’est pour ça que j’ai appelé mon local C’est la vie, pas parce que ce qui se représente sur la scène es como la vida misma como dicen de las telenovelas, bien sûr que non. Bien en amont de cette trivialité, c’est parce que c’est la vie même, dans son mouvement, sa fluidité, ses manques et ses faiblesses et aussi sa folie, sa beauté et surtout sa gratuité. La vie, ça ne sert à rien et le théâtre non plus, À rien de monnayable, j’entends, d’accumulable, de stockable. Ça vient et ça s’en va, ça commence et ça finit et pourtant ça continue. Voilà.

Et puis le théâtre c’est scandaleux. En soi. Peu importe la pièce, le texte, les mots; et peu importe aussi la mise en scène, la tessiture dans laquelle on joue. Ce qui est scandaleux, c’est que des gens osent manifestar clairement qu’on joue, qu’on fait semblant et que c’est ce faire-semblant qui est la vérité même. La vérité du théâtre et la vérité de la vie. Le théâtre, c’est la mise en scène, la mise en évidence que le sujet _du savoir, de la connaissance, de la vérité_ ça n’existe pas. Et c’est bien pourquoi, depuis Platon jusqu’à Heidegger, la philosophie se méfie du théâtre quand elle ne le voue pas aux gémonies. De concert avec l’Église, toutes les églises. Parce que le théâtre raconte toujours et sans cesse, et quelle que soit sa forme, que l’être n’est pas une donnée éternelle, la création d’un sujet tout-puissant, mais un agir immanent et contingent. D’ailleurs, ceux là même qui font le théâtre, qui jouent, ne les appelle-t-on pas des acteurs?