jueves, 10 de junio de 2010

Molière, l'énergie à même la langue

 

 

Molière, l’énergie à même la langue

 

 

Commun sans doute aux classiques du théâtre français, mais probablement d’une manière trés particulière pour Molière, il y a le plaisir de dire la langue. On reproche souvent ce plaisir aux acteurs : ils le feraient trop entendre, au détriment du caractère et de la situation. On dit qu’ils chantent, qu’ils s’écoutent parler, qu’ils perdent le naturel. Cela est vrai et Marivaux demandait que les acteurs ne disent jamais leur texte en ayant l’air de sentir la valeur de ce qu’ils disent ; on pourrait le dire aussi pour Molière.

            Mais quel plaisir ! Il y a chez Molière une adéquation si parfaite entre le dit et le pensé, entre ce qui s’exprime et la manière dont le personnage l’articule que l’on ne peut s’empêcher de croire, d’éprouver que la réplique, le dialogue sont une mantière organique presque tangible ; quelque chose qui s’établit dans l’air au sortir de la bouche et demeure, entre l’acteur et le spectateur, comme la chose même du théâtre. Ja vais bravement au devant du reproche que l’on fait si souvent au théâtre français, à la pratique des acteurs français, de trop accorder au langage, à la diction, « de jouer » comme don dit les mots, de réifier la langue et de l’empâter, au lieu qu’elle doit être fluide, se dissoudre, n’être qu’un élément de la signification. Oui, oui c’est vrai, rien de pire que le jeu rhétorique.

            Mais quand je dis, par exemple, « il faudra de ces choses dont on ne mange guère et qui rassasient d’abord, quelque bon haricot bien gras avec quelques pâtés en pot bien garnis de marrons » (L’Avare, acte III), j’éprouve si puissament la convergence du texte, l’exacte pesée du signifié sur le signifiant et inversement, leur équilibre et leur embrassement, leur délivrance l’un dans l’autre, qu’au coeur d’une situation comique, laquelle m’a depuis longtemps embarqué et mis hors de moi dans le réel de la représentation, des sentiments _disons même des humeurs_, des relations, des conflits qui font rage, je suis arrêté par une explosion gustative, à la fois stupéfié et ralancé ; il me semble qu’il m’est sorti de la gueule un poème, un bloc de prose poétique d’une telle densité que le cours de l’action me paraît un instant suspendu en l’air.

            Bien sûr, on ne joue pas cette déflagration poétique. C’est au spectateur d’en apprécier l’effet. Mais il m’arrive, jouant Molière, d’être soudain ce premier spectateur, tandis que je le profère. Rien à voir avec un mot d’esprit ou un aphorisme ; ni l’auteur, ni l’acteur, ni le personnage ne sont au-dessus, ne jugent, n’administrent une quelconque sentence.

            C’est aussi simple que : « Le petit chat est mort ». Ou : « Pourtant quand je me tâte et que je me rappelle, il me semble bien que je suis moi ».

            Nous faisons l’épreuve, dans la parole, d’un noeud qui attache tous les éléments, situation, relations, caractère : une sule et même chose resserrée en un instant de théâtre. Quelque chose se passe qui tient à la fois du rien de la vie, de l’existentiel pur, banal, et de l’extase, su satori, de la révélation philosophale : C’est ça, on y est, c’est la vie même. On contate dans le même moment une compacité charnelle et une évidence lumineuse, un rire large et un émerveillement qui ferait pleurer. L’admirable est que ces moments sont aussi les moments où le caractère apparaît dans la splendeur de son vice, de sa naïveté et de sa bêtise. C’est pour lui un moment d’inconscience et d’aveuglement, pour le spectateur une fenêtre sur l’homme et sur soi-même.

            Je poursuis sur l’exemple de L’Avare. Au coeur du trivial, dans l’expression la plus mesquine de l’avarice, dite, redite et rebattue obsessionnellement dans chque phrase, il y a une fantastique générosité de la langue.

            Il faudrait lire toute la pièce et pointer ce constant double mouvement de don et de rétention qui arme le rôle d’Harpagon, lui offre une réserve de munitions par laquelle il tient le siège où l’enferme son vice, répliquant, attaquant, se défendant, contre-attaquant, brûlant les planches. Dès l’entrée, il s’offre et se retire, délivre et retient sa bile, comme s’il comptait autrant les mots que les deniers : « Hors d’ici tout à l’heure ! Et qu’on ne réplique pas ! Allons, que l’n détale de chez moi, maître juré filou ! Vrai gibier de potence ! ». Don lapidaire de la première réplique, nerveuse et symétrique. Cela procure bientôt une espèce d’enivrement sec et trés bref, qui vous jette dans le rôle et vous affame. Toute la première scène entre Harpagon et La Flèche présente formellement cet aller-retour, cette énergie, à même la langue, de délivrance et de rétractation : « Allons, rends-le moi, sans te fouiller. –Quoi ? – Ce que tu m’as pris. – Je ne vous ai rien pris du tout. – Assurément ? – Assurément.- Adieu, va t’en à tous les diables. »

            Le monologue qui suit opère lui-même une avaricieuse résorption après la dépense d’énergie de la première scène : « Certes, ce n’est pas une petite peine que de garder chez soi une grande somme d’argent, et bienheureux qui a tout son fait bien placé et ne conserve chez soi que ce qu’il faut pour sa dépense. » Ce constant oxymore, opposition de deux contraires dans la même figure, est le muscle même du rôle ; il soumet la pièce, les personnages, l’atmosphère de la maison, à son épuisante alternance de tension et de relâchement, de contraction et d’épanchement, dont le corps et la voix de l’acteur connaissent le jeu de force, la fatigue et la jubilation. Que de phrases encore viennent en mémoire imprimer leur flux et leur reflux : « Dix mille écus en or chez soi est une somme assez... Ciel, je me serias trahi moi-même, la chaleur m’aura emporté et je crois que j’ai parlé tout haut en raisonnant tout seul. Qu’est-ce ? » Ou encore : « Il est bien nécessaire d’employer de l’argent à des perruques lorsqu’on peut porter des cheveux de son cru, et qui ne coûtent rien. » Les répliques se referment sur elles-mêmes et se ravalent.

            Et lorsuq ele vol de la cassette ôte à l’Avare sa raison de vivre, la langue devient tout à fait folle, fuit, galope, s’époumonne, court après le vide en pure perte : « Je suis perdu, je suis assassiné, on m’a coupé la gorge, on m’a dérobé mon argent ! Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ?  Où courir ? Où ne pas courir ? N’est-il point là ? N’est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête ! » Harpagon s’effondre avec _ou sur_ l’oxymore le plus ramassé de la pièce : « Hélàs, mon pauvre argent, mon cher ami, on m’a privé de toi... » C’est en scène, alors que je n’y avais jamais pensé, que je sentis la puissance expressive de cette association des mots « pauvre » et « argent », et je me laissai submerger par une ommense affliction, les larmes me venaient, pauvre enfant perdu qui a tout perdu, et cet enfant, c’était mon argent, c’était moi ; ou plutôt l’argent, l’or, la cassette volée, étaient un enfant errant quelque part, et j’étais sa mère désespérée. Alors le texte emmène l’interprète à la mort, on entre dans Beckett : « C’en est fait, je n’en puis plus, je me meurs, je suis mort, je suis enterré. » Harpagon est mort _ un instant. L’acteur est encore là, délesté.

            Le calme se fait. Le rôle vous coule des mains, tout le corps peut enfin s’abandonner à quelques secondes lentes de grand repos, et cela fait un bien que je crois partagé par tous ceux qui, dans les rôles-titres de Molière, ont connu la merveilleuse coïncidence de la fatiguq et du moment culminant ; je me souviens, pour les avoir souvent vus, jouant avec eux ou les regardant soir après soir à la Comédie Française, qu’ils avaient oarfois dans les yeux, à certains moments-clefs, ce mélange de félicité et de fatigue ; ils éprouvaient ce sentiment de réplétion, de contentement profond dans lequel, après la démesure comique, à part de toute autosatisfaction narcissique (laquelle doit néanmoins jouer son rôle), s’paise un instant l’acteur secrètement comblé, reconnaissant, livré au contrecoup d’une telle offrande de jeu, d’un tel plaisir de la chair.

 

Denys Podalydès

Sociétaire de la Comédie Française

Le Monde des Livres – vendredi 14 mai 2010

 

Montar La Celestina

Montar La Celestina, montar nata, un numerito, un espectáculo, un escándalo… La Tragi-comedia de Calisto y Melibea de Fernando de Rojas lo tiene todo: nata es el preciosismo de algunos de sus parlamentos, numeritos no faltan, un espectáculo por supuesto y un escándalo ¿qué duda cabe? Siendo el mayor, tal vez, similar al que causó casi 4 siglos más tarde Madame Bovary. ¿Qué audacia es ésta de querer hacer “literatura” con una historia y personajes tan poco “literarios”. A fines del siglo XV, a mediados del XIX, Celestina y Emma son la piedra de la banalidad tirada en el charco donde abundan los personajes heróicos, excepcionales, envueltos en aventuras a cual más maravillosa, extraordinaria, sorprendente, terrorífica, horrible y un largo etc. de superlativos.

Literartura escribí más arriba y corregí. Y ahora, corrijo la corrección, entiendo que había escrito lo que realmente pienso. Hartura y mucha.

Sí, que me hartan los héroes. Y las heroínas también. Son solemnes, pedantes, ampulosos. Moralistas. Previsibles. Aburridos.

 

Cuando le propuse a Magali montar La Celestina, le avisé que era una locura la que yo quería hacer ya que quería montar el texto íntegro: 10 horas. Bueno dijo, veamos.

Empezamos por leer, para Magali, era la primera vez. Al cabo de esa primera lectura, dijo: en realidad, este texto es como los que tú escribes, María. Yo: ¿¿¿??? Sí, prosiguió Magali, porque no hay acción, mejor dicho, la acción está en el propio texto. Entonces, comprendí el por qué de mi empeño en montar este texto en su integralidad. Porque, Magali lleva razón: la intriga de La Celestina o Tragi-comedia de Calisto y Melibea es absolutamente insulsa. El gusto, la fascinación, el interés está en la materia misma del texto. Un texto, desde luego, multidireccional, polifacético, nada naturalista, apabullante, generoso, fantaseoso, delirante, exasperante, desbocado. Y su coherencia está en esta profusión. Podarlo no puede resultar sino en mutilación, en su desfiguración.

 

 

viernes, 5 de marzo de 2010

martes, 16 de febrero de 2010

Musset: Les caprices de Marianne.

"¿Qué es una mujer a la final? El entretenimiento de un momento, una sombra vana a la que se finge amar por el gusto de decirse enamorado. Una mujer, es una distracción. ¿No se podría decir al encontrarse con una: allí va una bella fantasía..."

Musset: On ne badine pas avec l'amour.

"El amor a menudo engaña, hiere y desespera: pero amor se siente, y llegado al borde de su tumba, echando la mirada hacia atrás, uno dice: muchas veces he sufrido, algunas me equivoqué, pero amé. Yo soy quien ha vivido, y no un ser facticio, creado por mi orgullo y mi tedio."

Racine: Berenice.

"Dentro de un mes, un año, ¿cómo sufriremos
Señor, que tantas mares nos separen?
Que recomience el día y que caiga la noche
Sin que nunca Titus vea a Berenice?
Sin que en todo un día no pueda ver a Titus..."

Barthes: Fragments d'un discours amoureux.

"Todo partió de un principio: que no se debe reducir el enamorado a simple sujeto sintomático, sino hacer oir lo que tiene su voz de inactual, es decir de intratable (...) El enamorado habla por paquetes de frases, pero no integra estas frases a un nivel superior, a una obra; es un discurso horizontal: ninguna trascendencia, ninguna salvación, ninguna novela (pero mucho romanticismo) (...) La historia de amor es el tributo que el enamorado debe pagar al mundo para reconciliarse con él.


Mi lenguaje tiembla de deseo. Estremecimiento producido por un contacto turbio: por una parte, toda una actividad de discurso viene a tomar el relevo discreta, indirectamente, de un significado único que es: "te deseo", y lo libera, lo alimenta, lo ramifica, lo hace explotar (el lenguaje goza por tocarse a sí-mismo).


Por otra parte, envuelvo al otro en mis palabras, lo acaricio, lo rozo, prolongo el roce, me desgasto en alargar el comentario al que someto la relación".

Foucault: Histoire de la sexualité: le souci de soi.

"En cuanto a las relaciones entre mujeres, cabe preguntarse ¿por qué aparecen en la categoría de los actos "antinaturales"? mientras que las relaciones entre hombres se reparten entre todas las demás rúbricas (y, en particular, en aquéllas conformes con la ley)? La razón estriba, sin duda, en la forma de relación que contempla Artemidore, la penetración: por medio de cualquier artificio, una mujer usurpa el papel del hombre, ocupa abusivamente su posición, y posee a la otra mujer. Entre dos hombres, el acto varonil por excelencia, la penetración, no constituye en sí una transgresión de la naturaleza (incluso considerando vergonzoso, poco decoroso, para uno de los dos padecerla). En cambio, entre dos mujeres, el mismo acto, por cumplirse a pesar de lo que ambas son y a fuer de subterfugios, resulta tan antinatural como la relación de un humano con un dios o un animal. Soñar con tales actos anuncia actuaciones vanas, separación con su marido o viudez".

Meillassoux: L'Anthropologie de l'esclavage.

"Protegida, luego sometida a su comunidad, extraña y exilada entre sus allegados... la situación de la mujer prefigura la esclavitud en la comunidad doméstica. No pierdas contacto con tu familia si no quieres volverte esclava de tu marido, advierte una fábula Mungo".

"En su estado actual, la investigación parece percibir la esclavitud más en términos de definición del esclavo que como sistema social."
"Et par le pouvoir d'un mot
 Je recommence ma vie.
 Je suis né pour te connaître
 Pour te nommer
 Liberté".
        
P. Eluard

La brecha está abierta

Estoy convencida que la narrativa dramática tradicional gozará todavía de larga vida. Tampoco me cabe duda de que el teatro contemporáneo, si con esta palabra se entiende lo que caracterizará nuestra época, ya no pasa por ella. Desde Meyerhold y Brecht, la brecha está abierta. Se glosa abundantemente sobre la crisis del teatro, la sempiterna crisis del teatro. Personalmente, si bien no creo tal cosa, sí pienso que, no pudiendo sostener la competencia con la narrativa dramática enlatada (cine y televisión), el teatro naturalista está herido de muerte. Sin embargo, el espectáculo vivo vive inventando nuevas formas de comunicación teatral. Así, y solamente así, permanece necesario e insustituible.

Espacio privilegiado

Personalmente, no me interesan las representaciones naturalistas, me tienen sin cuidado los personajes, sus psicologías, sus conflictos y sus desenlaces. El teatro, para mí, no es el lugar para resolver conflictos anecdóticos, sino el espacio privilegiado donde dar vueltas al único enigma que realmente interesa, el de la vida y la muerte, nuestra vida y nuestra muerte es decir, nuestra libertad.

"Padre fundador"

No que yo quiera comunicar una sensación de absurdo, de inutilidad, de reiteración, de sin salida. Nada de eso. Soy mucho más ambiciosa pero, como me está entrando algo de pena, voy a parapetarme detrás de un "padre fundador", Pierre Bourdieu, y lo cito: Lo difícil y poco frecuente no es tener lo que se llama ideas personales sino contribuir, aún cuando fuera módicamente, a producir e imponer aquellos modos de pensar impersonales que permiten a las más diversas personas producir pensamientos hasta ahora impensables." Es lo que pretendo, con toda modestia.

En espiral

Me gusta, de la música, que no tenga mensaje ni meta, tampoco dirección ni objetivo a no ser el de dar gusto. Hago obras que progresan en volutas, en arabescas.